Nouvelle-Aquitaine : « Attention, la mer peut aussi nous infecter », alerte la coordinatrice d’une étude sur les rejets de polluants
ENVIRONNEMENT L'étude Aqui-Litt s'est intéressée aux effets sur les micro-organismes marins de la pollution (bactéries d’origine fécale et résidus d'antibiotiques)
- Aqui-Litt, menée de 2017 à 2020 sur le littoral néo-aquitain, a permis de dresser un
état des lieux des bactéries et champignons présents dans la mer ainsi qu’une cartographie des micro-organismes résistants aux antibiotiques. Les résultats de cette étude d’ampleur ont été comparés à des relevés hospitaliers et de médecine de ville. - Nova-litt, lancée en 2022, va permettre de prolonger les travaux d’Aqui-Litt, en allant dans une recherche plus détaillée sur le plan de la nature des micro-organismes.
- Dans ces travaux, la porosité entre l’homme et son environnement montre que les germes marins peuvent avoir une influence sur la santé humaine.
L’arroseur arrosé. « On a toujours cru que le flux était unidirectionnel : qu’il y avait une
contamination des rejets de l’Homme et des animaux vers la mer mais il y a aussi à considérer un potentiel effet boomerang venant de la mer », alerte Fatima M’Zali, directrice d’Aquitaine Microbiologie et directrice scientifique du projet Aqui-Litt (lire encadré). Un lien a été établi entre les Vibrios (bactéries marines prédominantes) et celles observées chez des patients du CHU de Bordeaux, partenaire de cette étude « Une Santé » (One Health).
« La mer peut être génératrice de germes résistants qui peuvent infecter l’homme, il faut
surveiller l’évolution de cette antibiorésistance dans la mer », poursuit Fatima M’Zali. Nova- litt, lancée en 2022, va permettre de prolonger les travaux d’Aqui-Litt, en allant dans une recherche plus détaillée sur le plan de la nature des micro-organismes (bactéries, virus et champignons) et sur les modes de contamination.
Se prémunir d’un prochain Sars-Cov 2
« Peut-être qu’à l’image de l’histoire du Sars-cov 2, qui vient probablement d’un animal
sauvage, la mer est un réservoir de germes qui peuvent causer des épidémies ou des
pandémies, avance la directrice scientifique du projet. Tout ça à cause du réchauffement
climatique et de la pollution. » Potentiellement, certaines espèces marines peuvent être
porteuses de virus et de bactéries propres qui, par des jeux d’échanges entre micro-
organismes, peuvent arriver à contaminer l’humain.
L’étude Nova-Litt va s’intéresser à ces germes présents dans la mer et ils seront
échantillonnés en laboratoire pour être comparés à ceux récoltés sur des patients de l’hôpital. « On alerte sur les rejets dans la mer mais attention, la mer peut nous infecter aussi, insiste Fatima M’Zali. Par exemple, un surfeur peut présenter une gastrite après une baignade mais s’il a une plaie cela peut s’avérer plus dangereux. »
La présence de germes antibiorésistants attestée
L’étude Aqui-Litt a permis de cartographier 2.630 micro-organismes de la mer mais aussi
ceux prélevés auprès de patients de médecine de ville, d’animaux d’élevage près de la côte dans le but de comparer tous ces prélèvements avec les relevés hospitaliers. Plus de 300 espèces de micro-organismes ont été identifiées, dont certaines sont résistantes. Résultat : des germes marins qui sont résistants aux antimicrobiens ont été caracterisés mais on ne peut pas encore affirmer que l’homme en est la cause directe.
« Il est certain en tout cas qu’ils ont acquis cette résistance car leurs consœurs marines ne l’ont pas, pointe Fatima M’Zali. On ne sait pas encore si c’est la bactérie de l’humain qui a transmis son gène ou si ce sont des résidus d’antibiotiques dans la mer qui ont fait qu’elles ont évolué exactement comme les bactéries hospitalières. » C’est à proximité des côtes que ces bactéries résistantes aux antibiotiques se concentrent, même s’il faut préciser que 80 % des bactéries marines ne le sont pas.
Quelles préconisations se dessinent ?
Aujourd’hui, les alertes des autorités sont basées sur la quantité de bactéries fécales dans la mer. C’est ce qui prévaut dans une décision d’interdiction de baignade, par exemple. Ces recherches invitent à une approche plus qualitative : « il faut peut-être rajouter un marqueur comme le Vibrio », avance la chercheuse. En amont, le plus important serait d’inciter, comme l’OMS le fait, à diminuer l’usage des antibiotiques, chez l’homme et en médecine vétérinaire. Des solutions de filtration de l’eau plus renforcées, l’utilisation des bactériophages (virus qui mangent des bactéries) ou la promotion de cultures de micro-organismes bénéfiques (certains produisent eux-mêmes des antibiotiques) sont aussi des pistes.
La plupart des bactéries marines croissent à des températures basses, certaines à 15 degrés mais pas à 37 degrés, la température du corps humain. « Les chances qu’elles nous infectent sont ainsi faibles mais avec le réchauffement climatique, elles s’adaptent et on se rapproche de la température de l’homme », observe aussi la responsable scientifique de l’étude. Ces recherches constituent une première mondiale à cette échelle de prélèvements et elles pourraient servir de modèles à l’étude d’autres littoraux.
(Source : 20minutes.fr - Image : fr.freepik.com photo créé par freepik)