Si, pendant la visite d’une maison à vendre, l’acheteur potentiel est victime d’un accident, qui doit payer : l’agent immobilier ou le propriétaire ?

 

omment se douter qu’une maison mise en vente par le biais d’une agence immobilière recèle des endroits dangereux ? José X, véritable miraculé de celle des Y, se le demande encore.

Le 14 mars 2016, ce couvreur de profession accepte de la visiter avec son frère, afin d’en inspecter la toiture. Sous la conduite de M. W, agent immobilier, il monte dans le grenier. Il fait quelques pas… et dégringole 8 mètres plus bas, avec un grave traumatisme crânien.

Dans le grenier, José a marché sur une trémie, trou béant censé faire office de puits de lumière, mais considéré, du fait qu’il était dissimulé par des cartons – au lieu d’être protégé par des barrières –, comme un « véritable piège » par l’expert judiciaire chargé de décrire les lieux.

L’assureur des propriétaires refusant néanmoins d’indemniser le préjudice de José, celui-ci saisit la justice. Me Jean-Thomas Kroell, son avocat, invoque l’article 1384 (ancien, 1242-1 nouveau) du code civil, selon lequel on est responsable du dommage causé par « des choses que l’on a sous sa garde ».

Selon la jurisprudence qui s’y rattache, lorsque la « chose » (en l’occurrence, le sol du grenier) est « inerte », la victime doit prouver qu’elle a provoqué le dommage parce qu’« elle avait une position anormale ou qu’elle était en mauvais état ». Il explique donc que le plancher, avec sa trémie camouflée, présentait un caractère « anormal ».

Fracture des vertèbres

Les propriétaires et leur assureur soutiennent que José a « commis une faute d’inattention », mais leur argument est rejeté, compte tenu du rapport de l’expert. Ils se retournent alors contre l’agent immobilier : ils affirment que « la garde de la chose » lui avait été transférée. Argument également retoqué du fait que « le transfert de la garde ne s’opère que s’il y a transfert de l’usage, du contrôle et de la direction de la chose », ce qui n’est pas le cas lors d’une simple visite.

Les Y assurent qu’ils l’avaient informé du danger, ce qu’il nie. Ils lui reprochent de ne pas les avoir autorisés à assister à la visite. La cour d’appel de Nancy partage les responsabilités, le 10 février 2022. Elle juge, en effet, que M. W devait « s’enquérir auprès des propriétaires de l’absence de danger » et « vérifier lui-même cette absence de danger », avant d’y introduire des tiers.

M. W aurait alors pu être la première victime de ce danger, comme sa collègue Mme A, chargée de faire l’estimation de la résidence secondaire de M. Z, qui lui en a remis les clés. Après avoir ouvert la porte, elle tombe dans un trou de plusieurs mètres et se fracture des vertèbres. Cinq mois plus tôt, une société chargée d’éradiquer la mérule avait coupé une partie du plancher, et M. Z avait omis d’en avertir l’agence. La cour d’appel de Nancy le condamne à indemniser le préjudice de Mme A (quelque 130 000 euros), le 6 janvier 2020.

Les agents immobiliers ne sont pas toujours condamnés : le 21 janvier 2020, par exemple, la cour d’appel de Montpellier juge, après l’effondrement d’un plancher, et le passage d’un acheteur potentiel au travers de celui-ci, que l’agence n’avait pas à effectuer de « visite préalable » pour s’assurer de la solidité du plancher, qui ne présentait pas de « défaut apparent ».

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Le 29 mars 2007, le tribunal de grande instance de Paris met hors de cause la société Sicofim, poursuivie par un visiteur, qui s’était blessé en passant à travers une verrière masquée. Il juge qu’« elle ne pouvait soupçonner » le risque d’effondrement de cette dernière.

Une chose est sûre : après leur accident, les personnes intéressées ont toutes renoncé à leur achat.

Rafaële Rivais

(Source : lemonde.fr - Image : fr.freepik.com créé par wayhomestudio)