Les eaux de pluie tombent sur le toit des maisons isolées ou en limite de propriété, ruissellent vers le sol ou l’atteignent directement. Parfois, ces eaux sont un sujet de crispation avec le voisinage. Que dit le droit sur l’évacuation des eaux de pluie ?

Le régime juridique des eaux pluviales est fixé pour l’essentiel par les articles 640, 641 et 681 du Code civil, qui définissent les droits et devoirs des propriétaires fonciers à l’égard de celles-ci.

À qui appartient l’eau de pluie ?

Le Code civil est très clair à ce sujet : les eaux de pluie qui tombent chez quelqu’un deviennent sa propriété.

En vertu de son droit de propriété, il peut en user et en disposer comme il l’entend (article 641 du Code civil ). Pourvu qu’il n’en fasse pas un usage prohibé par la loi. Par exemple, les utiliser dans sa consommation alimentaire.

Bon à savoir

Par eau de pluie, il faut entendre celle provenant de la pluie, de la fonte de la neige, de la grêle ou de la glace.

Où doit aller l’eau de pluie ?

L’article 640 du Code civil énonce différentes options d’acheminement de l’eau de pluie :

  • Elle peut tomber sur un terrain plat et s’épandre naturellement.
  • Elle peut tomber sur un terrain pentu puis ruisseler naturellement en contrebas, par l’effet de la pente. Sans être la conséquence de la main humaine.

D’un point de vue juridique, on parle de servitude légale d’écoulement des eaux pluviales. Elle s’impose, par l’effet de la loi, au propriétaire en contrebas. Une contrepartie financière ne peut pas être demandée par ce dernier, alors même qu’il en subit un préjudice (comme une inondation sur son terrain).

De plus, le voisin chez qui tombe la pluie ne peut ériger une digue pour empêcher l’écoulement du fonds supérieur vers le sien. Le voisin du fonds supérieur ne peut pas agir de quelque manière que ce soit pour contraindre la pluie à s’évacuer plus bas. Dans le cas d’une intervention humaine, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur. La victime du préjudice devant alors saisir le juge du tribunal judiciaire.

  • Elle peut enfin tomber sur un toit, plat ou en pente, et s’évacuer dans le jardin en contrebas, ou sur la voie publique.

Par exemple, est interdite la canalisation visant à déverser l’eau pluviale ailleurs, comme dans la rue ou dans le jardin d’à côté, alors qu’auparavant elles s’écoulaient naturellement sur l’ensemble d’un terrain.

Bon à savoir

Même en cas de préjudice subi, le propriétaire du fonds inférieur ne doit pas entraver le libre écoulement des eaux détournées.

À noter : le PLU de la commune peut interdire l’évacuation des eaux de pluie vers la voie publique. Dans cette hypothèse, le propriétaire doit, à ses frais, réaliser les travaux nécessaires pour collecter les eaux pluviales à l’intérieur de son terrain.

Qui s’occupe de l’évacuation des eaux de pluie ?

Les eaux de pluie tombant sur une parcelle deviennent la propriété de son titulaire.

Il appartient donc à son propriétaire de les collecter, de les stocker, ou de les laisser s’épancher naturellement.

Évacuation des eaux de pluie en limite de propriété : que faire ?

Un propriétaire peut construire une maison sur son terrain jusqu’à la limite séparative de sa propriété.

La loi impose au propriétaire d’une maison en limite de propriété de s’assurer que les eaux pluviales se versent sur son terrain ou sur la voie publique, et non chez le voisin (article 681 du Code civil ).

Il s’agit de canaliser l’eau sur son propre terrain. Pour cela, il peut installer un système de gouttière partant de son toit puis se dirigeant vers son sol, sans qu’elle ne surplombe le terrain d’à côté.

En principe, le surplomb d’une propriété privée n’est pas autorisé, y compris avec une gouttière, sauf accord express de la personne concernée.

En revanche, si la situation de surplomb dure depuis plus de 30 ans, il se crée de fait une servitude de surplomb qui n’est plus attaquable (article 690 du Code civil ).

Le propriétaire d’eaux de pluie peut en user et en disposer comme il le souhaite. Par exemple, il peut :

  • Les collecter pour son usage domestique, hors consommation alimentaire : arrosage du jardin, nettoyage du mobilier de jardinou de la voiture… (sans pouvoir faire de raccordement au réseau d’assainissement de la ville).
  • Les stocker dans une cuve hors-sol ou enterrée.
  • Creuser une tranchée drainante.
  • Installer un puits d’infiltration.
  • Créer un bassin de rétention.
  • Ne rien faire de spécifique.

Qui peut sanctionner les fautes commises au mépris de la réglementation sur l’évacuation de l’eau pluviale ?

Si le propriétaire d’un fonds inférieur subit un préjudice du fait du détournement des eaux pluviales par le voisin du fond supérieur, il peut saisir le tribunal judiciaire et obtenir une indemnité le cas échéant.

En vertu de son pouvoir de police, le maire d’une commune dispose de compétences pour prévenir et faire cesser les inondations causées par une mauvaise évacuation des eaux pluviales (article L2542-10 du CGCT).

Que faire en cas de conflit de voisinage sur les eaux de pluie évacuées ?

Si le sujet des eaux de pluie cristallise des tensions entre les voisins, il est important de bien connaître les droits et les devoirs de chacun. Puis de toujours tenter une résolution amiable du litige avant de se tourner vers les tribunaux.

Si vous êtes régulièrement inondé par l’eau déversée illégalement par votre voisin, voici quelques conseils :

  • Rappelez-lui les articles du Code civil mentionnant que la servitude légale d’écoulement des eaux ne vaut que lorsque ce dernier est naturel, c’est-à-dire qu’il ne provient pas ou n’est pas accentué par la main de l’Homme (article 640 précité).
  • Demandez-lui par courrier de bien vouloir procéder à des travaux pour stopper son système d’évacuation chez vous. Mettez-le en demeure de les réaliser sous un certain laps de temps. Avertissez-le qu’en cas d’inaction, vous serez fondé à saisir la justice.
  • Saisissez le tribunal judiciaire. Pour vous ménager la preuve de votre préjudice, vous pouvez demander à un commissaire de justice de venir constater l’installation litigieuse et le préjudice subi.

A contrario, si le voisin en contrebas ne supporte pas le ruissellement naturel de l’eau pluviale chez lui, vous êtes en droit de lui rappeler que la loi confère une servitude légale d’écoulement des eaux. En clair, vous n’êtes pas contraint de la détourner ou de la stopper pour qu’elle n’atterrisse pas chez lui.

Modèle de lettre en cas d’écoulement d’eaux du voisin

Voici un exemple de lettre que vous pouvez envoyer à l’occupant mitoyen ou en limite de propriété si ses eaux pluviales s’écoulent anormalement chez vous :

Votre nom et prénom

Votre adresse

Nom/Prénom du voisin

Adresse

À [lieu], le 2023

LRAR

Objet : Évacuation de vos eaux de pluie

Madame/Monsieur,

Je viens par le présent courrier vous informer/vous rappeler que l’écoulement de vos eaux pluviales s’effectue illégalement de votre gouttière sur le mur de ma propriété.

En vertu de l’article 681 du Code civil, vous n’êtes pas autorisé à verser votre eau de pluie de votre toit sur le fonds voisin. En l’occurrence chez moi.

Légalement, vous êtes tenu de … [lister ici les réparations ou travaux demandés. Par exemple, nettoyer les gouttières].

Le ruissellement de vos eaux pluviales occasionne des dégâts chez moi [listez-les ici. Par exemple, détérioration de la façade ou écaillement des peintures des volets].

C’est pourquoi, je vous demande, sous quinzaine, de procéder aux travaux nécessaires.

Dans le cas contraire, je me verrai dans l’obligation d’entamer une action en justice en vue d’obtenir réparation du préjudice subi.

Je vous remercie de votre attention et de vos prochaines diligences.

Je vous prie d’agréer, Madame/Monsieur, mes sincères salutations.

Votre signature

Conclusion : ce qu’il faut savoir sur l’écoulement des eaux pluviales

L’évacuation des eaux de pluie est encadrée par la loi :

  • Si elles appartiennent au propriétaire du fonds supérieur sur lequel elles tombent, ce dernier ne peut pas aggraver la servitude d’écoulement.
  • À l’inverse, le voisin du fonds inférieur ne peut pas s’opposer au passage de l’eau pluviale provenant de la propriété d’un voisin située en amont.
  • L’occupant d’une maison en limite de propriété doit s’assurer que les eaux pluviales se versent sur son terrain ou sur la voie publique, et non chez son voisin.
  • Les gouttières permettant leur ruissellement du toit (toiture plate ou pentue) vers le sol ne doivent pas surplomber la parcelle voisine.

(Source : lefigaro.fr – Image : freepik.com)